Un des possibles grands Werther de demain est né en 1982 de l’autre côté de la Méditerranée, au Maroc. Là-bas, Abdellah Lasri aurait pu opter pour une carrière dans l’informatique, mais la pratique en autodidacte de la guitare lui donne le goût de la musique et du chant. A Rabat, un chef de chœur lui vient en aide, décelant du potentiel dans « la couleur » de sa voix – « quand j’écoute aujourd’hui les enregistrements, je me dis que je viens de loin ! », s’amuse le chanteur.
Major de promotion
A vingt-deux ans, une bourse lui permet d’atterrir en France, à Bourgoin-Jallieu, où il prépare le concours d’entrée au CNSM de Paris, dans la classe de Glenn Chambers. Quatre ans plus tard, en 2009, il est « major de (sa) promotion », précise-t-il non sans fierté – en fait juste derrière l’étoile filante Julie Fuchs, sortie la même année mais entrée un an après lui. Que faire quand l’école est finie ? Continuer à apprendre, par exemple dans le très formateur système allemand du répertoire. Le glorieux ténor Francisco Araiza lui conseille de postuler dans un Opéra-Studio : ce sera celui du Staatsoper de Berlin, qui lui offre des rôles petits et moyens en compagnie de grands chanteurs et chefs.
Werther à Bastille
Mais, rapidement, la question se pose autrement : ne vaut-il pas mieux se tenir aux avant-postes dans un petit théâtre que de jouer les utilités dans une grande maison ? Voici donc le Stadttheater Giessen, où il est Rodolfo dans La Bohème. Puis, bien plus important, l’Aalto-Musiktheater d’Essen, où sa première saison (2013-2014) est riche d’Alfredo (La Traviata), Nemorino (L’Elixir d’amour), Macduff (Macbeth)…Et surtout Werther : c’est pour ce défi qu’il s’est présenté à Essen. Et c’est ce rôle qui pourrait bien donner un coup d’accélérateur à son parcours.
Faire les bons choix
Le 12 février dernier, Abdellah Lasri remplaçait Roberto Alagna à l’Opéra-Bastille, dans la production de Benoît Jacquot : succès éclatant. « Tout s’est accéléré ensuite », confie le jeune ténor, pressé de propositions qu’il compte bien gérer avec précaution. Son timbre miel et métal, son français facile, sa « technique italienne » aisée lui assureront un vaste répertoire et une belle carrière s’il continue à faire les bons choix.